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Et vous Sigmund, que pensez-vous des avions en papier ?

Un de mes rôles de coach est de renvoyer la question à son expéditeur. En effet, les questions que nous posons ne nous renvoient généralement qu’à nous, nos biais cognitifs, nos filtres et enjeux personnels.

La vierge, l’enfant Jésus et sainte Anne, Leonard de Vinci, 1501-1519 (source Wikipedia)

Comme quand Freud identifie un vautour dans le drapé de la robe de Marie dans le célèbre tableau La vierge, l’enfant Jésus et sainte Anne et se lance dans une lecture psychanalytique de Leonard, ses rêves, ses fantasmes, sa sexualité* : le vautour est associé à la figure maternelle. Freud en déduit le rôle de ses pulsions sexuelles dans le processus créatif.

La coach en moi constate que c’est ainsi que Freud voit le monde qui l’entoure. En même temps, la question « Et vous, Sigmund, comment ça se passe avec maman ? » me chatouille gentiment.

Voilà un peu plus de deux semaines que toutes mes séances de coaching – en ligne évidemment – commencent par quelques échanges informels sur le confinement. Chaque partage sur cette situation inédite m’invite à considérer la situation sous un angle à chaque fois un peu différent.

Une fois n’est pas coutume, ce matin c’est mon client qui m’interroge sur ce que je vis : je partage. Je vis au jour le jour, mon emploi du temps n’est plus que réajustements permanents. Je remarque un relâchement de mon exigence à bien des niveaux. J’observe aussi des synergies inédites, des élans de solidarité et un ralentissement du rythme planétaire, visible depuis ma fenêtre. Certains semblent passer aux aveux quand ils se disent savourer ce moment hors du temps. Mon questionnement du moment : qu’allons-nous ancrer et conserver de ces prises de conscience une fois l’épreuve passée ? Mon client surenchérit : « c’est exactement ce que je me disais ! Qu’est-ce que les gens vont garder ensuite ? Est-ce qu’ils vont revenir à leur rythme de fous ??! » Evidemment, c’est de lui qu’il parlait.

Mais à cet instant précis, il me renvoyait la question : et moi, que vais-je garder de ces prises de conscience ? De ces nouvelles expérimentations ? Que vais-je réellement changer, intégrer demain une fois que l’adaptation ne sera plus une nécessité ?

Il y a quelques semaines encore, mon agenda était un des seuls à pouvoir exiger quelque chose de moi. Il a vu ses prérogatives fondre comme neige au soleil. Il essaie désormais timidement de se frayer un chemin dans mes priorités, à mi-chemin entre « faire une course d’avions en papier pour la 3e fois aujourd’hui avec mes enfants » (on a trouvé une nouvelle forme de bec encore plus efficace !) et faire preuve de créativité pour concevoir le repas du soir à base de surgelés (une première pour moi qui affectionne tant les produits frais). Beaucoup de considérations logistiques sont désormais passées en catégorie « je m’en fous » (il faut que vous m’imaginiez le dire avec un large et enthousiaste sourire).

Est-ce que ce que je vis est une parenthèse ou le début d’un réel changement ? Pour être honnête, je n’en ai pas la moindre idée. Mais ce dont je suis sûre, c’est que cette remise en question ne fait que commencer.

Et vous Sigmund, que pensez-vous des avions en papier ?


* Sigmund Freud, Souvenir d’enfance de Léonard de Vinci, 1910.